Dans les textes védiques, le Soma occupe une place centrale. Il est à la fois une plante, un breuvage, un dieu, et une porte vers une autre réalité. Il n’est pas qu’un élément rituel : il est le lien vivant entre l’humain et le divin. Grâce à lui, les sages accédaient à une forme d’illumination intérieure, dépassant l’ego, le mental, et les limites ordinaires de la perception.
Le Rig Veda parle souvent du Soma comme d’une substance « qui illumine la pensée », « qui ouvre la vision intérieure », et qui donne l’immortalité non pas au corps, mais à la conscience. Cette idée d’union entre l’individu et le divin n’est pas symbolique : elle est vécue, expérimentée, traversée, sous l’effet du Soma.
Certains chercheurs modernes, comme Gordon Wasson, ont proposé que le Soma était en réalité un champignon enthéogène, probablement un Psilocybe cubensis. Cette hypothèse repose sur plusieurs indices tirés des hymnes védiques :
- Le Soma y est décrit comme sans feuilles, sans fleurs, sans graines — ce qui correspond bien à un champignon.
- Il est souvent qualifié de filament, ou fibre, par le mot sanskrit amśu, ce qui fait penser au mycélium ou au pied du champignon.
- Enfin, ses effets sont tout sauf violents : le Soma éveille l’amour, la paix intérieure, la sagesse, et la dissolution des conflits — à l’opposé d’une plante guerrière.
La DMT, la glande pinéale et l’accès au divin
D’un point de vue moderne, les effets du Soma décrits dans les textes rappellent ceux de certaines substances enthéogènes naturelles comme la DMT (diméthyltryptamine). Or, le corps humain produit lui-même de la DMT, notamment via la glande pinéale, un petit organe situé au centre du cerveau, parfois appelé « le siège de l’âme » dans certaines traditions.
La glande pinéale, associée à Ajna (le « troisième œil » dans le yoga), jouerait un rôle important dans les états de conscience modifiée, les visions, et l’union mystique. Il est possible que la consommation du Soma active ou renforce cette production naturelle de DMT, ouvrant la voie à une expérience directe du divin.
Les psilocybes, eux aussi, contiennent des substances de la famille des tryptamines, comme la psilocybine et la psilocine, proches de la DMT. Cette parenté chimique pourrait expliquer la nature très particulière des visions induites par le Soma : sensation de fusion avec l’univers, accès à des plans subtils, effacement de l’ego, et sentiment de présence divine.
Le Soma, une voie d’illumination pacifique
Contrairement à d’autres drogues ou rituels violents présents dans l’histoire des civilisations, le Soma est pacifique. Il unit au lieu de diviser. Il rend libre au lieu de soumettre. Il n’est pas une fuite : il est un retour vers soi-même, vers la conscience pure, vers la vérité intérieure.
Dans le Rig Veda, les sages ne prennent pas le Soma pour s’étourdir, mais pour voir clair. Ils ne cherchent pas une ivresse quelconque, mais un contact avec l’absolu. Le Soma ouvre un espace de silence, de lumière, et de paix.
Ainsi, que l’on y voie un champignon sacré, un symbole de l’éveil intérieur, ou les deux à la fois, le Soma reste le pont entre l’humain et le divin, entre la terre et le ciel, entre l’éphémère et l’éternel.

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