Le Rig Veda est un recueil ancien de chants sacrés. Il nous parle d’un monde révolu, celui de la civilisation des 7 rivières, une société sans armée, sans esclavage, avec des villes bien organisées, des maisons confortables, des canalisations et un profond respect pour la nature. Le dixième Mandala, le dernier livre du Rig Veda, semble avoir été ajouté à la fin de cette grande époque.
Pourquoi ce Mandala est-il si différent des autres ? Plusieurs indices nous montrent qu’il reflète une période de transition, peut-être même les derniers instants d’une civilisation qui sentait sa fin approcher.
1. La Sarasvatî coule encore, mais la Drishadvatî a disparu
Dans l’hymne 10.75, la rivière Sarasvatî est encore mentionnée comme puissante, mais un détail frappe : la Drishadvatî, un de ses grands affluents, n’est plus citée. Cette absence est étrange. Dans le troisième mandala, qui était ancien, la Drishadvatî occupait une place importante. Son silence dans ce Mandala pourrait montrer que cette rivière s’est asséchée, ou qu’elle a changé de cours, sans doute à cause d’un grand bouleversement géologique, comme un tremblement de terre.
La Sarasvatî elle-même, autrefois large et puissante, semble plus faible. Cela correspond aux recherches récentes, qui montrent que cette rivière a peu à peu disparu entre -2000 et -1900, à cause du détournement de ses affluents principaux.
2. Des rishis venus de familles inconnues
Dans les autres Mandalas, les rishis (sages poètes) appartiennent à des familles connues, parfois depuis plusieurs générations. Mais dans le dixième Mandala, beaucoup de ces sages viennent de familles non identifiées. Cela laisse penser que la transmission s’est interrompue, ou que de nouveaux poètes ont pris le relais dans une société en mutation.
On voit ici l’image d’une époque qui ne suit plus les anciennes règles, peut-être parce que ces règles ne fonctionnaient plus dans un monde qui changeait rapidement.
3. Le Soma a disparu, les anciens chants aussi
Dans les anciens Mandalas, les hymnes sont pleins d’énergie. On y chante les forces de la nature, la lumière, le feu, les rivières, et surtout le Soma, cette plante sacrée sans fleurs, sans graines, qui ouvrait les portes de l’illumination.
Mais dans le dixième Mandala, le vrai Soma semble avoir disparu. Les chants sont plus sociaux, plus humains. On y parle de mariage, de mort, d’origines du monde, d’organisation sociale. Ce ne sont plus les cris de joie d’une société en pleine force, mais les réflexions d’un peuple qui sent que son monde change.
4. Une société encore organisée, mais déjà en déclin
L’hymne 10.90, connu sous le nom de Purusha Sukta, montre une société encore très structurée. On y parle des différentes fonctions de la société : enseignants, dirigeants, commerçants, agriculteurs. Ce poème célèbre l’unité dans la diversité. Mais il marque aussi une forme de repli : on organise la société pour qu’elle tienne debout alors que les fondations naturelles (comme les rivières) commencent à lâcher.
Nous sommes probablement autour de l’an -2000, moment où la Sarasvatî perd ses affluents, où les grandes villes commencent à être abandonnées, et où le climat devient plus sec.
5. Un dernier message : l’hymne de l’union
Le dixième Mandala se termine par un hymne puissant : un appel à l’union. Il invite tous les hommes à penser de la même façon, à marcher ensemble, à parler d’une seule voix. Cet hymne semble avoir été placé là comme un message d’adieu. Comme si le compilateur avait voulu garder une trace de ce qu’était cette civilisation des 7 rivières : une société de paix, d’harmonie, de sagesse.
Cet hymne final ressemble à un cri du cœur. Il dit : “Rappelez-vous qui nous étions. Un peuple uni, vivant avec la nature, inspiré par la lumière.” Il y a dans ces vers la conscience que tout pourrait disparaître. Ce n’est pas seulement un texte religieux, c’est un appel humain.
Une leçon pour notre temps
Aujourd’hui, notre monde moderne fait face à ses propres crises : réchauffement, divisions, perte de sens. En lisant le dixième Mandala, on sent que les anciens avaient compris quelque chose. Ils savaient qu’une civilisation ne dure pas éternellement. Mais ils ont voulu laisser un dernier chant. Un chant d’union, de mémoire, et peut-être d’espoir.
C’est peut-être pour cela que ce Mandala existe : pour ne pas oublier. Pour dire aux générations futures qu’une grande civilisation avait existé là, entre la Sarasvatî et la Drishadvatî. Une civilisation des 7 rivières, libre, sans guerre, et tournée vers l’éveil.

Laisser un commentaire