
La question de la datation du Rig Veda fait partie des sujets les plus sensibles de l’Indologie. Elle a été compliquée par des siècles d’interprétations erronées, de débats idéologiques et, surtout, par l’absence de textes contemporains permettant de le situer exactement.
Pourtant, plusieurs indices internes du Rig Veda permettent aujourd’hui d’esquisser une chronologie assez fiable.
Ces indices viennent de deux sources : la géographie et l’astronomie.
1. La géographie : la clé la plus solide
Le Rig Veda est profondément ancré dans le paysage de la civilisation des 7 Rivières (Sapta Sindhu), entre Inde et Pakistan actuels.
L’hymne le plus précieux pour dater la fin de sa composition est le célèbre RV 10.75, la « Liste des rivières ».
On y trouve :
- La Sarasvatî, citée parmi d’autres cours d’eau, mais sans la moindre insistance.
Pourtant, c’est la seule véritable déesse-fleuve, la seule à être une divinité complète.
Son absence de mise en valeur dans cet hymne montre clairement une chose :
au moment de la composition du RV 10.75, la Sarasvatî coulait encore, mais elle n’était déjà plus la grande rivière qu’elle avait été. - On trouve les rivières suivantes : Sindhu (Indus), Vitastā, Asiknī, Paruṣṇī, Śutudrī, Vipāś, Sarasvatī, Drishadvatī (non citée), etc.
Un détail capital : la Drishadvatî est absente
La Drishadvatî, affluent majeur de la Sarasvatî pendant des millénaires, n’est pas citée dans l’hymne 10.75.
Son absence est un indice géologique majeur :
elle signifie que la Drishadvatî ne coulait déjà plus à cette époque, probablement après un séisme ou une modification climatique ancienne.
Autre détail : la Sutudrî (Sutlej) coule encore
La Sutudrî, autre affluent essentiel, est bien citée.
Or, nous savons aujourd’hui qu’elle a été déviée après un grand tremblement de terre, probablement entre 2000 et 1900 BCE.
Cela donne une borne très solide :
✔ Le Rig Veda a été composé avant la déviation de la Sutudrî
✔ mais après la disparition de la Drishadvatî
Ainsi, la fin de la rédaction du Rig Veda se situe probablement autour de :
📌 2000 BCE (2000 avant notre ère)
C’est cohérent avec la dernière Sarasvatî encore visible, mais affaiblie, juste avant son assèchement complet vers 1900 BCE.
2. L’astronomie : un indice encore plus ancien
Le Rig Veda contient plusieurs références astronomiques, mais une seule est datable avec précision :
l’éclipse mentionnée dans RV 5.40.
Les astronomes modernes, qui ne s’intéressent pas spécialement au Rig Veda, ont reconstitué les éclipses anciennes.
L’une d’elles correspond exactement à la description védique, et elle est datée du :
📌 19 février 3929 BCE
C’est une date extraordinairement ancienne.
Elle montre que certaines parties du Rig Veda remontent à la fin du IVe millénaire avant notre ère.
3. Le mythe des « vaches volées » et la lumière retrouvée
Cette même hymne (RV 5.40) évoque un épisode mythique :
le « vol des vaches » par les Panis (un terme signifiant « avare », « cupide », ou « marchand sans scrupule »).
Dans la symbolique védique :
- les vaches représentent la lumière,
- les Panis représentent les forces qui cachent cette lumière,
- et Indra, sous un autre nom ici, Brihaspati, libère cette lumière.
Ce mythe est présent dans de nombreux hymnes, et pourrait prendre sa source dans un événement réel associé à cette éclipse ancienne.
4. Conclusion : une chronologie cohérente
En recoupant géologie, astronomie et texte védique, on obtient une chronologie simple :
• Début du Rig Veda : vers 3929 BCE
(éclipse mentionnée dans RV 5.40)
• Période principale de composition : 3900 – 2200 BCE
(civilisation des 7 Rivières, Sarasvatî toujours vivante)
• Fin du Rig Veda : vers 2000 BCE
(Sutudrî encore là ; Drishadvatî disparue ; Sarasvatî affaiblie mais toujours en eau)
• Après 1900 BCE : assèchement total de la Sarasvatî
(Cette date est postérieure à la rédaction du Rig Veda)
En résumé :
Le Rig Veda n’est pas un texte de -1500 comme certains auteurs occidentaux l’ont affirmé.
C’est un texte bien plus ancien, ancré dans une civilisation qui a fleuri des millénaires avant l’âge du fer.
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