Le Rig Veda, considéré comme le plus ancien texte sacré de l’humanité, est une collection de 1 028 hymnes répartis en dix mandalas (chapitres). Ce corpus fascinant reflète les croyances, pratiques et visions du monde de la civilisation de l’Indus-Sarasvatî, que l’on surnomme parfois la « civilisation des sept rivières ». Cependant, l’histoire de sa compilation révèle une évolution significative liée aux bouleversements environnementaux et culturels qui marquèrent la fin de cette civilisation.
Une Compilation Progressant au Fil du Temps
Pendant l’âge d’or de la civilisation urbaine de l’Indus, les premiers neuf mandalas constituaient l’essentiel du Rig Veda. Ces livres sont centrés sur les forces de la nature déifiées (Indra, Agni, Ushas, etc.) et, de manière prédominante, sur le Soma, une plante sacrée au cœur des rituels védiques.
Le neuvième mandala est entièrement dédié au Soma, célébrant cette plante dans des hymnes exaltant ses propriétés divines et enthéogènes. Ce mandala nous montre une époque où le Soma, en tant qu’élément rituel, occupait une place centrale dans la spiritualité et les pratiques de cette civilisation.
Cependant, un événement marquant – possiblement lié à la grande sécheresse mondiale de 2200 BCE – ont conduit à une pénurie de Soma. Ce changement semble avoir transformé la structure et l’orientation de la tradition védique.
Le Dixième Mandala : Une Addition Tardive
Le dixième mandala du Rig Veda diffère sensiblement des précédents. Il contient des hymnes plus récents, portant sur des thèmes philosophiques, métaphysiques et sociaux. Des hymnes comme le célèbre Purusha Sukta (qui décrit la création cosmique) ou le Nasadiya Sukta (qui explore la genèse de l’univers) indiquent un passage d’une spiritualité fondée sur des rituels liés à Soma à une réflexion plus abstraite et symbolique.
Ce dernier mandala semble avoir été ajouté lorsque le Soma n’était plus disponible, marquant une transition culturelle importante. Sans la plante sacrée, les rituels se sont progressivement transformés, et la tradition orale a évolué vers des compositions axées sur la mémoire culturelle, l’identité collective et la philosophie.
Un Témoignage de la Fin d’une Civilisation
La compilation finale du Rig Veda, intégrant le dixième mandala, coïncide avec la désintégration de la civilisation urbaine de l’Indus-Sarasvatî. La perte de la Sarasvatî, fleuve sacré et pilier de cette civilisation, a entraîné des migrations et un remodelage des pratiques spirituelles. Ce contexte a probablement catalysé l’ajout du dixième mandala pour adapter la tradition védique à une nouvelle ère marquée par des changements sociaux et environnementaux.
Pendant la période urbaine, le Rig Veda restait un texte focalisé sur le Soma et les forces naturelles. En fin de civilisation, il devint un corpus plus diversifié, intégrant des réflexions existentielles adaptées à un monde en mutation.
Conclusion
La compilation du Rig Veda est bien plus qu’une simple œuvre religieuse : elle est un miroir des transformations profondes de la civilisation de l’Indus-Sarasvatî. Alors que les premiers neuf mandalas célèbrent une époque prospère où Soma était abondant, le dixième mandala reflète les défis et les adaptations d’une culture confrontée à sa propre fragilité. Ce corpus sacré, dans son évolution, offre une fenêtre unique sur la manière dont les sociétés humaines répondent aux crises et réinventent leur spiritualité pour survivre.

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