Le neuvième mandala du Rig Veda, texte sacré le plus ancien de l’humanité, est un hommage unique consacré entièrement à la célébration du Soma, une boisson sacrée dont la puissance a joué un rôle crucial dans la culture védique. Ce breuvage, associé à des expériences spirituelles intenses, était bien plus qu’une simple boisson : il incarnait le divin et offrait aux pratiquants une véritable transformation intérieure. Cet article explore les différentes facettes de ce mandala, en examinant comment le Soma est déifié et son rôle dans l’établissement d’une société pacifique, égalitaire et spirituellement évoluée.
1. Le Soma : une déification de la boisson à base de psilocybine
Dans le Rig Veda, Soma n’est pas seulement une boisson ; il est une divinité, une force puissante qui confère à celui qui le consomme la vision, l’illumination, et l’expérience de l’unité avec le divin. Les descriptions védiques du Soma suggèrent une plante sans feuilles, graines, fleurs ou fruits, une caractéristique qui rappelle les champignons enthéogènes tels que le Psilocybe cubensis. Le Soma était préparé à partir de cette plante et consommer ce breuvage permettait aux initiés de transcender leur conscience ordinaire.
Les effets du Soma, en tant que substance enthéogène, sont associés à l’élévation spirituelle et à la dissolution de l’ego. Cette dissolution de l’ego, clé de l’illumination dans de nombreuses traditions mystiques, transformait les dirigeants et les prêtres védiques en des êtres pacifiques et ancrés dans un fonctionnement harmonieux, empêchant ainsi l’accumulation de pouvoirs égocentriques.
2. Une compilation sacrée qui se termine sur le neuvième Mandala
Le Rig Veda s’organise en dix mandalas (ou livres), et le neuvième marque la fin de l’avant-dernière compilation. Le dixième mandala, ajouté plus tard, apporte des hymnes de nature plus techniques et moins spirituels. La clôture initiale du Rig Veda avec ce neuvième mandala, entièrement dédié au Soma, montre l’importance de ce breuvage dans la spiritualité védique.
Il est probable que cette compilation initiale se soit achevée au cours de la période mature de la civilisation de l’Indus, aussi appelée civilisation des 7 rivières. Ce choix de terminer le recueil sur un mandala au Soma révèle l’importance que les anciens védiques attachaient à cette substance, considérée comme l’élément central de leur élévation spirituelle et de leur harmonie sociale. L’ajout d’un dixième mandala, probablement dans un contexte de pénurie de Soma, montre l’évolution vers une société devant redéfinir ses pratiques spirituelles sans ce breuvage central.
3. La pénurie de Soma et le dixième Mandala : impact d’une sécheresse majeure
Vers 2200 av. J.-C., une grave sécheresse frappe la région, probablement liée à des fluctuations climatiques et à l’assèchement du fleuve Sarasvatî. Cette période de crise entraîne une rareté du Soma, un manque qui bouleverse les pratiques spirituelles et sociales. Les érudits émettent l’hypothèse que c’est à cette époque, alors que l’approvisionnement en Soma devient de plus en plus difficile, que le dixième mandala est ajouté au Rig Veda. Ce dernier se distingue par son approche plus technique, laissant apparaître des spéculations existentielles qui se substituent à l’expérience immédiate de l’illumination procurée par le Soma.
La fin de l’abondance du Soma marque ainsi un tournant spirituel pour la civilisation des 7 rivières. Face à cette pénurie, la société cherche des moyens alternatifs de maintenir son équilibre spirituel. Cela confirme que le Soma ne constituait pas une simple métaphore ; sa consommation réelle avait un impact tangible et central sur le bien-être social et spirituel.
4. Un instrument de paix et d’harmonie dans la société
Le Soma apparaît comme un agent de pacification sociale au sein de la civilisation de l’Indus. La dissolution de l’ego par le Soma permet aux dirigeants et aux prêtres d’agir de manière désintéressée, sans tomber dans le piège de l’autoritarisme et de la domination. Contrairement aux autres civilisations anciennes, structurées de manière hiérarchique avec des élites dominantes, la société des 7 Rivières semble fonctionner selon un modèle plus horizontal, favorisant l’égalité et la paix.
En réduisant les désirs égocentriques et les rivalités, le Soma instaure un climat de coopération et de respect mutuel. Les hymnes du neuvième mandala évoquent souvent la paix intérieure et l’unité cosmique comme des conséquences naturelles de la consommation de Soma. Cette dimension spirituelle profonde explique pourquoi la société védique de l’époque réussit à maintenir une stabilité sociale sans exploitation ni violence.
Conclusion
Le neuvième mandala du Rig Veda est bien plus qu’un simple hommage à une boisson sacrée ; il nous montre une vision unique de la spiritualité, de la société et de la paix. En consacrant un recueil entier à l’adoration du Soma, la société védique nous laisse entrevoir un mode de vie où la quête spirituelle et la sagesse priment sur les désirs matériels et les rapports de domination. La disparition progressive de cette plante, à la suite de la sécheresse, marque un tournant dans l’histoire spirituelle de la civilisation de l’Indus, ouvrant la voie à de nouvelles formes de pratiques métaphysiques que l’on sent poindre dans le dixième mandala.
Le Soma, à travers ses propriétés enthéogènes, demeure l’un des plus anciens symboles de la quête humaine pour l’unité et l’illumination.

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